mercredi 23 septembre 2015

ZOOM sur : Le Portail des Pénitents Noirs - Musée des Augustins - Toulouse

Le weekend dernier, c'était l'occasion de profiter de votre ville, Toulouse et de son magnifique patrimoine culturel avec les Journées Européennes du Patrimoine.

J'ai (Ellossan) d'ailleurs participé activement à cet événement avec Jérémy et Juliette, en animant des visites à travers la Toulouse Baroque. Pour l'occasion, je vous propose de faire un petit arrêt sur un bijou de l'art baroque que vous voyez très souvent mais dont vous ignorez peut-être l'origine : Le Portail des Pénitents Noirs.



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Tout d'abord, deux trois mots sur le musée le plus célèbre de la ville rose ! Auparavant, s'y trouvait un couvent, fondé entre 1310 et 1341, pour les religieux de l'ordre des Ermites de saint Augustin, sous l'autorisation du Pape Clément V. Le couvent devient bien national en 1790, suite à la suppression des ordres monastiques, pour devenir le musée que l'on connait. Le musée des Augustins, musée des Beaux arts de la ville de Toulouse, fut créé fin 1793, à la demande du Premier Consul, Napoléon Bonaparte, en vue d'instituer quinze musées dans les grandes villes françaises. Le Louvre ne pouvant recevoir toutes les œuvres, il faut trouver des espaces de stockages à travers tout le pays. Le musée, qui est d'ailleurs le deuxième en France, après le Louvre, fut conçut dans un esprit pratique. Il ne faut cependant pas oublier que les collections toulousaines étaient déjà riches. La création de ce musée a permis aussi de protéger les œuvres des saisies révolutionnaires.



La belle entrée des Augustins et
son portail des Pénitents Noirs


Aujourd'hui c'est sur le portail que nous allons nous attarder, mais faisons un arrêt sur les Pénitents noirs, a qui appartenait ce portail. La confrérie des Pénitents s'installe à Toulouse vers la fin du XVIe siècle. Ils se divisent en plusieurs organisations : les Pénitents Bleus, appartiennent à la noblesse; les Pénitents Blancs à l'artisanat; les Pénitents Noirs, proviennent des corporations de marchands. En 1576, ces derniers s'installent dans le couvent des Augustines (quartier Saint Georges), qui avaient rejoint la Réforme et laissé le monastère disponible, au n°3 de la rue Saint Jérôme. Les Pénitents Noirs, reconstruisent une chapelle en 1645 (démolie en 1970 en même temps qu'une partie du quartier Saint Georges) dont il ne subsiste aujourd'hui que ce portail.

Au dessus de la porte il est possible de lire une inscription gravée sur un cartouche en marbre noir :  

"Noire mais belle, douloureuse mais rayonnante. À Dieu très grand et très bon, Qu'en cette chapelle de la Croix, la paix fut l'oeuvre de la Croix. Sous le règne de Louis, l'armée pacificatrice érigea cette auguste façade. pour les Pénitents qui l'habitent, l'apparence est le deuil, mais c'est la Croix qui consolide les vraies joies et ici, se dressera pour l'immortalité, le temple dont la richesse est la Charité, dont toute gloire est la Croix." 

Petite anecdote : Après la construction de la chapelle, les pénitents commandèrent un programme pictural peint sur le thème de l'exaltation de la Sainte Croix. Ils firent appel à de grands peintres de l'époque, Hilaire Pader, François Fayet, Nicolas Tournier et Aubin Vouet. Exaltation de la Sainte Croix que l'on fêtait le 14 septembre pour commémorer la découverte par Sainte Hélène, mère de l'Empereur Constantin, de la Croix à Jérusalem et la dédicace des basiliques constantiniennes de Jérusalem, le 14 septembre 335. Plus tard, l'Église ajouta l'anniversaire de la restitution de la relique de la Croix enlevée par les Perses et rapportée par l'empereur Héraclius en 629. C'est donc une liturgie triomphante, que l'Église célèbre au travers de la Croix, le "trophée" de la Rédemption. De ce programme iconographique, il ne reste aujourd'hui que sept toiles. Quatre sont aux Augustins et trois à la cathédrale Saint Étienne et célèbrent le sacrifice du Christ et sa résurrection. Vous pouvez d'ailleurs admirer une très belle oeuvre caravagesque de Nicolas Tournier : Le Christ porté au tombeau. Les deux autres œuvres qui l'accompagnaient disparurent, mais l'une d'elles, Le Portement de Croix, fut retrouvée grâce à l'actuel conservateur du musée, Monsieur Axel Hemery,  à Londres en 2010.

Vous remarquez certainement que ce portail est assez sobre en ornementation, mais il n'en reste pas moins un des plus beaux vestiges du Baroque toulousain. Il faut savoir que l'art de la Contre-Réforme, dans le contexte religieux, exige une austérité de l'extérieur pour prôner l’exubérance à l'intérieur de l'édifice. C'est un contraste saisissant que vous pouvez admirer à la Chapelle des Carmélites ou à l'église Saint Exupère. Ce portail est fait de pierre, deux niches sont disposées de part et d'autre de la porte d'entrée du musée. La plupart du temps, il devait s'y trouver des sculptures de personnalités saintes. Ces petites niches sont surmontées d'un fronton en bas relief, au dessus desquelles se trouvent des vases fleuris et fruités. On pourrait assimiler les fruits aux coings, symbole de la Résurrection. Vous remarquez surement une végétation omniprésente dans l'art du XVIIe . Elle permet l'exubérance, la théâtralité et surtout, vous offre les prémices d’un jardin d'Eden. Le but étant de toucher le fidèle au plus profond de son âme en utilisant une symbolique forte. Au dessus de la porte, se trouve l'inscription citée plus haut et encore au dessus, une sorte de cadre, encadrée par deux volutes en feuilles d'acanthe. Elle contient un bas relief où se trouve deux angelots tenants une couronne de laurier. Au centre se trouve une Croix noire, qui fait directement écho aux pénitents et à leur dogme. 


Dans la continuité de l'élévation, vous remarquez encore un fronton et un vase avec anse, contenant un bouquet de fleurs. Vous remarquez au passage, au centre de ce fronton, un médaillon encadré par des volutes, sur lequel sont représentés trois clous, qui font référence à la crucifixion du Christ. Deux clous pour les mains et un pour les pieds, qui donne encore plus de force à cette image de la Sainte Croix.  



La Sainte Croix et au-dessus, les clous de la crucifixion.

Comme vous l'avez compris, la composition possède de nombreux symboles, donnant un aspect majestueux à ce portail. Par exemple, au niveau du cartouche en marbre, où figure l'inscription, se trouve une frise incomplète. Trois symboles ont été identifiés. A gauche, les roseaux de la flagellation, à droite l'échelle qui a permis de descendre le Christ de la Croix. Enfin au centre, un coq, symbolisant le jour nouveau, le Christ qui se lève à l'Orient et donc la Résurrection. Ces symboles tournent donc autour de la Passion, mais aussi des valeurs des Pénitents Noirs. Il faut savoir que le coq est aussi le symbole de la vigilance, vertu nécessaire pour les corporations de marchands, tel que les Pénitents Noirs.


Fragment de la frise de la Passion


Les Journées du Patrimoine sont passées, mais rien ne vous empêche de pousser les portes et de découvrir les merveilles de Toulouse !




Textes et recherches :
Ellossan

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